Un aperçu des initiatives autour de 'l'agriculture régénératrice'
Ces derniers mois, plusieurs articles ont été consacrés à ‘l'agriculture régénératrice’* faisant suite à l'entré d'entreprises sur ce marché par le biais de projets et de partenariats, d’où la genèse de cet article.
On complément des critères de choix de ces projets détaillés plus bas*, ces initiatives ont également été réparties en fonction du statut et maturité du projet. Nous espérons que cela permettra de mettre en relief le marché actuel et le chemin pris par ces entreprises.
Projets pilote
Un projet qui vise à identifier les pratiques agricoles, les programmes de culture qui vont dans le sens d'une production végétale plus durable.
Des projets pilotes sont en cours dans différents endroits, principalement à l'initiative d'entreprises du secteur de l'alimentation et des boissons, comme Heineken, Mars, Nestlé, autour de la production d'orge, de blé et de lait respectivement. Le principal résultat attendu est de définir des programmes de culture adaptés. L'un des premiers défis mentionné est d'identifier les pratiques qui peuvent être modifiées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en maintenant ou en ne mettant pas en danger le rendement de la production.
La participation de ces entreprises à ces initiatives peut s'expliquer par le fait que la plupart d'entre elles ont pris des engagements en matière de réduction des GES voir de neutralité carbone. Les émissions de scope 3 représentent la plupart des émissions des entreprises de ces secteurs et les engrais particulièrement, c'est la raison pour laquelle ces entreprises se concentrent sur ces émissions au niveau de l'exploitation.
Ces entreprises de l’aval vont donc chercher à diminuer l’empreinte carbone de leurs matières premières utilisés. Ici, le partenariat est mentionné comme clé par les entreprises à l’initiatives, à la fois dans l’identification des pratiques ainsi qu’afin de susciter le changement au niveau des agriculteurs.
Intrants à faible teneur en carbone
Intrants qui peuvent contribuer à l'amélioration de l'agriculture durable avec une plus faible empreinte carbone / permettant de réduire l’empreinte.
Le secteur des intrants à base de microbes a bénéficié d’importants financement par capital-risque, avec des entreprises comme PivotBio.
Les entreprises de produits chimiques (Corteva, Bayer) étendent également leurs offres sur ces segments (biostimulant, biofertilisant).
Plus récemment, des entreprises comme Yara se lancent dans des pilotes pour de la production d’ammoniac et donc d’ammonitrate bas carbone.
Projets de traçabilité
Un projet où l'accent est mis sur la traçabilité des pratiques agricoles et des grains.
Nous pouvons facilement comprendre que la traçabilité au niveau de l'exploitation et de la parcelle est essentielle pour évaluer les pratiques actuelles, suivre et confirmer tout changement et toute conformité concernant un programme de culture.
Afin aussi de transmettre ces informations aux partenaires en aval et au consommateur. Certaines initiatives européennes, françaises, ont été mises en œuvre, notamment autour de l'orge pour ma malterie.
Ces projets semblent se concentrer sur la technologie blockchain. Les partenaires ne sont pas mentionnés ici mais la startup française Connecting Food est le leader en Europe.
Conseil aux agriculteurs pour une production plus durable
Programme impliquant des partenaires en aval qui soutiennent une production végétale durable.
Parallèlement à ces projets technologiques autour de la blockchain, des initiatives sont en cours au niveau des conseillers/distributeurs afin de tirer parti du numérique. Ici, cela se fait par le biais d'un processus de regroupement de produits physiques avec des outils numériques comme des assurances, des outils de décision (modulation, drone...) afin d'améliorer le rendement et de réduire les intrants.
En plus de pousser plus loin au niveau de l'exploitation une production plus durable, ces offres sont nécessaires au niveau des distributeurs dans un contexte d'érosion des marges des intrants et un besoin d'augmenter la fidélité des agriculteurs.
Ces initiatives sont soutenues par les distributeurs, mais aucune mention n'est faite concernant un paiement supplémentaire pour eux ou pour les agriculteurs.
A ce stade, nous pouvons nous questioner sur la capacité des distributeurs/agriculteurs à améliorer le prix, sachant que les consommateurs ne sont généralement pas prêts à payer plus pour les mêmes produits, en plus du fait qu'il n'existe pas encore de standard. D'un autre côté, ces projets peuvent être considérés comme une première étape nécessaire afin d'évaluer la situation actuelle, et ensuite de pouvoir ouvrir la négociation de primes par les acheteurs avec les partenaires en amont.
Projets de filière
Programmes impliquant des partenaires de l'aval vers l'amont qui soutiennent une production végétale durable avec une prime sur le marché.
Les programmes de filières qui permettent d'obtenir une prime supplémentaire au niveau de l'agriculteur sont un marché émergeant et encore peu répandu mais des annonces récentes de leader de l’agroalimentaire annonce un fort développement à venir.
Un partenariat local dans une région de France entre un fournisseur d'intrants, un distributeur et une entreprise de meunerie,
Farmers Edge et Merit au Canada,
Une chaîne d'approvisionnement développée autour de la production de biocarburants bas carbone par Saipol. Cette production est encadrée par la réglementation RED. Renault Trucks par exemple y trouvent un intérêt et est prêt à payer un premium, que Saipol peut redistribuer en parti aux agriculteurs à l’achat de leur graines bas carbone.
Récemment, Nestlé a annoncé qu'elle allait consacrer un budget de 1,1 milliard d'euros à l'agriculture régénérative, dont une part importante sera allouée aux primes pour ces produits. Nestlé se tournera vers ses fournisseurs qui peuvent déjà s'engager et suivre l'agriculture régénérative. Les entreprises qui se sont déjà engagées dans ces projets sont mieux positionnées.
Cargill est le deuxième acteur majeur à avoir annoncé un programme qui permettra à la fois de supporter des projets de filières et de compensation.
Cependant, sans norme et du moins sans définition claire de cette agriculture régénératrice, la question reste de savoir ce que le marché sera prêt à payer pour quelles pratiques.
Programmes de compensation payante du carbone
Programmes impliquant des partenaires en aval et en amont qui soutiennent l'amélioration du stockage du carbone avec une prime sur le marché.
Les programmes qui permettent aux agriculteurs d'être rémunérés pour le stockage du carbone après un changement de pratique sont encore un marché émergent mais se développent rapidement. Ce marché a d'abord émergé avec des start-up comme Indigo, puis des fournisseurs d'intrants ont pris le relais comme Corteva, Nutrient, Yara avec Agoro. Certaines inquiétudes ont été soulevées quant à sa limite réelle en raison du principe d'additionnalité, de la multiplicité des normes et des méthodes, ainsi que du risque de ne faire que déplacer le problème en compensant mais sans diminuer concrètement l'empreinte.
La question sera de savoir dans quelle mesure les entreprises seront incitées à réduire leurs émissions de portée 3 à travers la chaîne d'approvisionnement et à développer une offre de céréales à faible teneur en carbone avec une prime (le cas précédent), en raison de l'augmentation du prix du carbone qui rendra plus coûteuse la compensation au lieu de réduire ses émissions de portée 3. La question du montant de la prime et de sa capacité à inciter les agriculteurs à changer de pratiques.
Sources :
Global-ag-risk-solutions-offers-new-crop-insurance-product-to-canadian-canola-farmer
Soufflet-agriculture-cree-colz-avenir-2022-pour-soutenir-la-filiere-francaise-du-colza
L-agriculture-regenerative-pour-relocaliser-l-orge-brassicole
Bio-fertilizer-startup-anuvia-raises-103m-series-c-to-expand-its-ghg-reducing-crop-input
Avril-et-renault-trucks-sassocient-pour-accelerer-la-transition-energetique
*Les critères de sélection de ces articles autour de ce sujet, ce sont ceux qui évoquent des projets qui visent à développer les services écosystémiques, en aidant les agriculteurs à réduire l'empreinte environnementale de l'agriculture, et/ou en mettant l'accent sur une meilleure rémunération de ces externalités positives.

